mercredi 28 janvier 2009

Ciel, ses bijoux !

Les Echos n° 19583 du 13 Janvier 2006 • page 105

Mis à part l'homme des cavernes avec son fémur dans le nez, les pirates des Caraïbes, Johnny et ses fans et les adeptes du body-piercing, la dernière fois qu'on a vu un homme porter des bijoux en l'affichant socialement remonte à Henri III, lequel jouait fort bien du bilboquet en arborant chic ses perles-poires paléo-Chanel à l'oreille. Les choses étant ce qu'elles furent, morale industrielle et bon goût du droit des affaires obligent, le mâle occidental fut ensuite bien aimablement prié de remiser sa quincaillerie et de se borner à n'arborer que le strict nécessaire. Tant pis pour les rêves de tiare et de sautoirs au bureau.

Tout ça pour dire que, jusqu'à fraîche date, un homme bijouté, ça vous avait soit une dégaine de marlou à gourmette, soit une aura sulfureuse de garçon protosensible. Désormais, sans prétendre que courir le jeton dans les conseils d'administration une rivière scintillante en guise de cravate soit vraiment recommandé, les moeurs se sont assez relâchées pour faire sauter ces cadenas. Or blanc, platine, rhodium, cuir, ébène, pierres dures, clous, cristal : les matières utilisées calment les angoisses _ design contemporain et références à diverses virilités extraites des univers militaire, motard ou religieux achevant de séduire. Argent et noir, le nouveau bijou pour homme relève plus de l'objet symbolique que de la parure tape-à-l'oeil et tente de gommer les vieux fantasmes régulièrement recyclés et montés en épingle. Après le dandy, le métrosexuel. Ou autre bricolage fumant marketé, réclamant sa part de féminité. Du coup, de Calvin Klein à Hugo Boss en passant par Hedi Slimane pour Dior Homme, tout le monde s'y met et sort de sa cassette boucles, pendentifs, bracelets, tours de cou, amulettes, médailles, plaques, bagues, etc., destinés à parer son nouvel homme.

Après les arts de la table, des maisons comme Christofle avec la Collection 929 par Andrée Putman ou Baccarat avec la microligne de bijoux B for Men se jettent dans la bagarre et aussi au cou de la gent masculine. Grâce aux sobres créations DeLuz par Marc Matyjasik (photo, pendentif), aux gris-gris mystiques post-baba cool Paul Smith et aux audaces rieuses du Londonien Robert Tateossian, on sait que la future saison printanière s'annonce éclectico-ethnique. Et avec l'annonce d'une ouverture imminente à Paris de la marque californienne Chrome Hearts, déjà adoubée par Colette, ciselant niveau 12 sur l'échelle du riche tiers une bimbeloterie mode très à cheval sur les mythes motorisés, la tête de mort a encore toutes les faveurs du mâle urbain. Un culte gothiquement entretenu aussi par le cannois Caption (www.captionjewelry.com), dont la gourmette gravée d'un « sexy » du meilleur goût devrait faire un tabac lors des futurs castings « Star' Ac ».

Savoir enfin que les plus beaux bijoux pour homme restent ceux qui ne se voient pas _ ainsi des baleines de col en argent de chez Cartier _, et que le problème du bijou pour homme n'est pas de le porter, mais de le prononcer. « Bijou » reste dur à « porter ». L'air du temps préfère « joaillerie masculine ». Plus noble, moins futile, hors toc et taxes. Joaille d'offrir, bonheur de recevoir si bel en ce miroir...


PIERRE LÉONFORTÉ

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